L’arc de Triomphe: Un emballage… qui ne nous emballe pas!
En 1985, un couple d’artistes, les Christo, se sont rendus célèbres à Paris en recouvrant de papier doré le Pont-Neuf dans sa totalité.Une performance technique – heureusement temporaire - qui avait amusé les foules et provoqué la curiosité. Or voilà que Christo annonce son retour dans la capitale où il a trouvé un nouveau terrain de jeu: l’Arc-de-Triomphe, dont«l’emballage» est prévu pour septembre 2020.
Dans un article publié sur notre site, Claude-Catherine Ragache a relaté comment en 1920 les associations d’anciens combattants ont réussi à obtenir du gouvernement que soit inhumé sous l’Arc-de-Triomphe le corps d’un soldat inconnu mort pour la France au cours de la Grande guerre.Nous ne pouvons donc que réagir au nouveau projet de Christo. En effet ce monument, chargé d’une dimension symbolique, voire sacrée depuis que repose sous sa voûte le représentant des 1500000 morts français tombés entre 1914 et 1918, mérite d’être respecté, et non transformé en paquet-cadeau! Rappelons que depuis le 11 novembre 1923, c’est-à -dire depuis bientôt cent ans, des volontaires appartenant à diverses associations viennent chaque jour ranimer pieusement la Flamme du Souvenir qui, au-dessus du tombeau, rappelle à notre mémoire la terrible épreuve vécue par des soldats qui espéraient que leur guerre serait «la der des ders». Or les statuts du Comité de la Flamme créé à cette date ont formellement interdit sur la tombe de l’Inconnu « tout discours, tout emblème autre que le drapeau national, tout chant, tout cri, toute pancarte». Seul y est autorisé un recueillement silencieux. Comment ces statuts auraient-ils pu prévoir les délires«artistiques» du XXIème siècle, pour lesquels trop de nos décideurs éprouvent une complaisance certaine ?
Il faut dire hélas que le projet de Christo, soutenu par le Centre Pompidou et la Réunion des Musées Nationaux, s’inscrit dans la continuité d’une habitude prise par la mairie de Paris, qui n’hésite pas à utiliser l’Arc-de-Triomphe comme support de propagande, pour les prochains Jeux Olympiques par exemple, ou comme lieu festif, en y organisant le feu d’artifice du passage à l’année 2019. A une époque où le «devoir de mémoire» est souvent érigé en devoir fondamental,la plupart des médias n’ont pourtant pas réagi à l’annonce du futur emballage,et beaucoup ont même applaudi, peut-être par peur de paraître «ringards»!
Nous craignons cependant qu’une volonté de reléguer aux oubliettes le souvenir de la Grande guerre ne se fasse jour chez certains hommes politiques et intellectuels atteints par le syndrome du«présentisme». Après avoir fait courir des jeunes entre les tombes pour le centenaire de la bataille de Verdun, des responsables politiques, en acceptant le nouveau projet de Christo, bafouent le souvenir d’une période dramatique de notre Histoire qui a concerné pratiquement toutes les familles françaises.
Pour conclure ce billet,permettons-nous une suggestion. Puisque l’artiste compte bien rentrer dans ses frais – et peut-être même au-delà – par la revente de plans préparatoires, de maquettes et d’échantillons de son papier d’emballage, il serait bienvenu, si cet événement regrettable devait avoir lieu, qu’il offre ses éventuels bénéfices au «Souvenir français», qui a la lourde charge de perpétuer la mémoire des soldats morts pour la France et d’y entretenir de nombreux monuments commémoratifs.
En attendant mobilisons-nous pour que ce ne soit pas le cas et que le tombeau du soldat inconnu soit respecté.
La rédaction.